Le Vieux de la Montagne et saint Louis

ART GOTHIQUE - XIII° SIECLE

Vitrail de la Sainte-Chapelle, représentant la translation solennelle des Reliques de la Passion. = Exécuté du vivant de Louis IX, ce vitrail peut aider, comme la Porte-Rouge de Notre-Dame, à nous donner quelque idée de sa physionomie.

Mis sur pierre par REGAMEY, d'après une aquarelle de FICHOT.

"SAINT LOUIS", Henri WALLON

 

"Ce fut pendant ce séjour à Saint-Jean d'Acre qu'il reçut les messagers du Vieux de la Montagne. La scène racontée par Joinville met en une vive lumière la terreur que cet étrange despote répandait dans le monde par les aveugles exécuteurs de ses commandements, et l'ascendant que nos ordres religieux et militaires, bravant la mort aussi mais pour d'autres croyances, savaient prendre sur le chef même de ces fanatiques. Saint Louis était bien digne de le mettre aussi à ses pieds.

Il reçut ses messagers au sortir de la messe. Ils se présentèrent devant lui dans cet ordre: en tête , un émir richement vêtu; derrière lui, un assassin tenant trois couteaux fichés l'un dans l'autre; la lame du second dans le manche du premier, et celle du troisième dans le manche du second. Symbole de mort inévitable : au premier exécuteur devait succéder un second, et au second un troisième, jusqu'à l'accomplissement de l'arrêt; c'était en même temps le signe du défi qui était porté au roi , et du sort qui l'attendait en cas de refus. Derrière celui-ci venait un autre , qui portait un linceul entortillé autour de son bras, comme pour ensevelir celui que le poignard de son compagnon aurait frappé.

Le roi invita l'émir à parler "Mon seigneur, dit l'émir, m'envoie vous demander si vous le connaissez. ? Non, répondit tranquillement saint Louis, puisque je ne lai jamais vu; mais j'ai entendu parler de lui. ? Puisque vous avez entendu parler de lui, reprit l'émir, je m'étonne que vous ne lui ayez pas envoyé du vôtre assez pour le retenir comme ami, ainsi que le font chaque année l'empereur d'Allemagne, le roi de Hongrie, le soudan de Babylone et les autres, certains qu'ils ne peuvent vivre qu'autant qu'il plaira à mon seigneur. Si vous ne le voulez pas, faites-le au moins acquitter du tribut qu'il doit à l'Hôpital et au Temple."

Ce farouche potentat , devant qui le monde tremblait, payait, en effet, tribut à l'Hôpital et au Temple : que pouvait-il sur des ordres dont le grand maître, tué, était aussitôt remplacé par un autre? C'eût été en pure perte envoyer les assassins à la mort.

Le roi répondit à l'émir de se représenter dans l'après-dînée.

Quand il revint, il trouva le roi assis entre le maître de l'Hôpital et le maître du Temple; et le roi lui dit de répéter ce qu'il lui avait dit le matin. L'émir répondit qu'il ne voulait le faire que devant ceux qui, le matin, étaient avec le roi. Mais les deux maîtres: " Nous vous commandons de le dire. " Il obéit; et les deux maîtres lui dirent de leur venir parler le lendemain à l'Hôpital.

Il y vint. Les deux maîtres lui dirent que son seigneur avait été bien hardi de faire entendre au roi de telles paroles. " N'eût été pour l'amour du roi, ajoutèrent-ils, nous vous aurions fait noyer tous les trois dans la sale mer d'Acre, en dépit de votre seigneur. Et nous vous commandons que vous vous en retourniez vers lui, et que, dans la quinzaine, vous soyez ici de retour, apportant de votre seigneur telles lettres et tels joyaux que le roi en soit satisfait. "

Dans la quinzaine, les messagers revinrent, apportant en présent la chemise du Vieux de la Montagne. " Comme la chemise est de tous les vêtements le plus près du corps, ainsi , disaient- ils, le Vieux voulait tenir le roi plus près dans son amour que nul autre roi." Le cheik lui envoyait du reste d'autres symboles de son amitié avec d'autres présents: un anneau d'or très-fin où son nom était écrit, en signe qu'il épousait le roi et voulait être désormais tout un avec lui : un éléphant et une girafe en cristal, des pommes de diverses espèces en cristal, des jeux de tables et d'échecs: et toutes ces choses étaient fleuretées d'ambre, et l'ambre était lié au cristal par de belles vignettes de bon or fin.

Le roi, content de cet acte de soumission , ne voulut pas se laisser vaincre en générosité. Il envoya au Vieux de la Montagne des joyaux, des draps d'écarlate, des coupes d'or et des freins d'argent. Il lui députa aussi frère Yves, un Breton qui savait la langue du pays, le même qu'il avait naguère envoyé en ambassade auprès du sultan de Damas. Ce n'était probablement pas dans la pensée de convertir le chef des assassins. Si ce bon frère l'essaya, comme Joinville paraît l'indiquer, il en fut pour sa peine, et il n'y devait pas encourager les autres par le tableau qu'il fit de cette étrange cour. Quand le Vieux chevauchait, il avait devant lui un héraut qui portait une hache danoise à long manche, manche tout couvert d'argent et hérissé de couteaux; et le héraut criait :"Détournez-vous de devant celui qui porte la mort des rois entre ses mains."

"SAINT LOUIS" Henri Wallon, MDCCC LXXVIII, chapitre XI, p. 221-223. 

 

Qui était Hassan I Sabbâh ? Nasiroddin Tusi: "La Convocation d'Alamut" : Sommaire

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Isabelle Aubert-Baudron :

(Chapitres tirés du livre "Département de sémantique générale, de philosophie et d'histoire", à paraître chez "Interzone Editions")

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